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Les Larmes modernes


978-2-913764-44-6

24,00 €
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Les Larmes modernes

Larmes et modernité dans la littérature et les arts du XIXe siècle à nos jours

Mélanges coordonnés par Frédérique Toudoire-Surlapierre et Nicolas Surlapierre

Diane Arnaud, Ouvrage collectif, Vanessa Besand, Juliette Feyel, Florence Fix, Matthias Fougerouse, Tristan Grünberg, Anne-Élisabeth Halpern, Adnen Jdey, Frédéric Marteau, Murielle Martin, Bénédicte Percheron, Olivier Sécardin, Nicolas Surlapierre, Frédérique Toudoire-Surlapierre, Aliocha Wald-Lasowski

Les Larmes modernes analyse ce qui est a priori hermétique à toute théorisation : les larmes. Les études transversales sur la littérature et d'autres arts, s'intéressent à ce qui est plus qu'un affect, un langage à part entière. Les réflexions sur la généalogie, l'histoire de la représentation des larmes, et leur place dans les arts nous permettent de décoder ce langage, entre observation et émotion.

Couverture Paul Klee, Espérer une fois encore, 1939

Quatrième de couverture

Les larmes ont désormais une histoire. Elle est même, si l’on considère sa littérature, ses effets, ses différentes incarnations, faite. Les larmes résistent non pas à la compréhension, elles en sont la substance, mais à la théorisation et aux concepts. Leur analyse, au prisme de la philosophie, de la littérature, du théâtre, de l’opéra, du cinéma et de la peinture, a donné lieu dans ce volume à des études transversales, des descriptions, des spéculations formant une narration latente. La distance critique, la méthode historique, ou tout simplement l’objectivité seraient d’excellentes raisons pour en ignorer les conséquences : en suivant à la trace les occurrences lacrymales, aucun des contributeurs n’a souhaité échapper au désir secret de voir poindre des larmes, de sentir venir quelque chose d’aussi doux et désespéré qu’un souvenir d’enfance. Qui n’a pas rêvé de frôler ainsi l’émotion de son lecteur ?

 

Sont ici réunies les contributions de Diane Arnaud, Vanessa Besand, Juliette Feyel, Florence Fix, Matthias Fougerouse, Tristan Grünberg, Anne-Élisabeth Halpern, Adnen Jdey, Frédéric Marteau, Murielle Martin, Bénédicte Percheron, Olivier Sécardin, Nicolas Surlapierre, Frédérique Toudoire-Surlapierre, Aliocha Wald-Lasowski.

Frédérique TOUDOIRE-SURLAPIERRE & Nicolas SURLAPIERRE – Les Larmes au corps. Préambule lacrymal

PREMIÈRE PARTIE – GÉNÉALOGIE DES LARMES

Matthias FOUGEROUSE – Goethe et le langage des pleurs : lecture des larmes werthériennes

Bénédicte PERCHERON – L’esthétique des larmes dans l’opéra français du XIXe siècle

Aliocha WALD LASOWSKI – Le mouchoir de soie (Schumann)

Anne-Élisabeth HALPERNSemper Dowland semper Britten – Lachrymae et Nocturnal

Juliette FEYEL – La cataracte des larmes chez Georges Bataille : une éthique du sacrifice

DEUXIÈME PARTIE – HISTOIRE DE LARMES

Frédéric MARTEAU – Pleurer après Auschwitz ? La poétique des larmes chez Nelly Sachs et Paul Celan

Vanessa BESAND – La cave aux oignons dans Le Tambour de Günter Grass

Olivier SÉCARDIN – Je danse pour les dieux de la pluie qui habitent mon corps

Adnen JDEY – Derrida, l’autre et le deuil. Vers une herméneutique des larmes

TROISIÈME PARTIE – VOIR LES LARMES

Florence FIX – De l’abandon des larmes à l’abandon aux larmes (R.-W. Fassbinder et Jan Fabre)

Tristan GRÜNBERG – Les larmes de la séduction. Amertume et comédie des larmes de la « femme fatale » au cinéma

Diane ARNAUD – Crises de larmes et devenirs modernes du cinéma. De Rohmer à Lynch

Murielle MARTIN – L’outrance des larmes et la fulgurance des voix dans l’œuvre artistique de M. Barney

Nicolas SURLAPIERRE – L’insoluble – Une lecture de Pictures & Tears, peut-être

Notices biographiques

L’esthétique des larmes dans l’opéra français du XIXe siècle

Des expressions de dramaturgie servant le livret d’opéra au XIXe siècle, les larmes semblent tenir une place prépondérante voire incontournable dans la liste des artefacts les plus couramment employés par les librettistes et les compositeurs romantiques. Les larmes au théâtre ne sont cependant pas une nouveauté au XIXe siècle. En effet selon Anne Vincent-Buffault une vague de fond en faveur des attendrissements s’amorce dès le XVIIe siècle pour s’épanouir dans les années 1730. Le phénomène se situe alors aussi bien sur scène que dans la salle. Les intrigues cherchent avant tout à émouvoir le public en glorifiant les sentiments vertueux, plus particulièrement l’amour filial ou encore la morale. Ainsi les belles élégantes des loges pleurent [-elles] jusqu’à se pâmer sur un fils vertueux, et son père aimant et compréhensif. Plus rarement les larmes coulent à la vue des larmes, car les scènes de pleurs sont encore peu courantes dans les pièces du XVIIIe siècle.

Il faut ainsi attendre la mode romantique et l’exaltation des sentiments et des états d’âme pour que les acteurs et les chanteurs se laissent aller à pleurer sur scène. La nature des larmes se meut avec l’apparition du Sturm und Drang. Le personnage est en proie à un mal-être profond irrémédiable né d’une sensibilité excessive. La littérature romantique et la peinture définissent des canons esthétiques qui se répercutent dans tous les autres arts. L’opéra, par son rapport à la parole, est fortement marqué par les préceptes romantiques. En effet, les livrets des opéras du XIXe siècle reprennent les trames des romans romantiques, donnant ainsi naissance à une conception stéréotypée de l’œuvre et à des individus figés. Le phénomène lacrymal devient au cours du XIXe siècle un accessoire pour les chanteurs lyriques, notamment pour certains types de personnage. Aussi ne peut-on pas ériger les larmes comme symbole de l’opéra romantique ? Quelle place prennent-elles au sein de l’ouvrage et comment apparaissent-elles ? Il nous faut ainsi nous attacher dans un premier temps à l’émergence des larmes dans l’opéra du XIXe siècle, puis à leurs significations. Si ce phénomène est présent au théâtre depuis plusieurs siècles, il semble cependant refléter les nouvelles valeurs de la société du XIXe siècle, par la façon dont elles émergent dans le livret. Dans un but restrictif, nous nous attacherons uniquement à l’étude de l’opéra romantique français. Celui-ci introduit, par ailleurs, de façon particulière les larmes dans les intrigues d’opéra par rapport aux œuvres des autres pays européens, plus particulièrement aux pièces italiennes.

L’émergence des larmes dans l’opéra romantique français

Si les larmes sont rares dans les livrets d’opéra français du XVIIIe siècle, elles deviennent incontournables au cours du siècle suivant. Marquant le paroxysme de l’œuvre, les scènes de larmes sont de véritables hymnes au romantisme. Contrairement aux douleurs brèves et modérées des œuvres de l’époque classique, le pathos dramatique est exalté au plus haut point et rien ne semble pouvoir détourner la marche funeste de l’intrigue. Les personnages des livrets romantiques sont eux-mêmes plongés dans des passions inexpugnables qui se soldent bien souvent de la façon la plus tragique, contrairement au siècle précédant où la morale et l’amour triomphent naturellement à la fin de l’ouvrage. Aussi les opéras français sont-ils généralement construits sur des trames identiques, mêlant amours impossibles, fresques historiques, histoires fantastiques ou parfois exotiques. Les thématiques romantiques apparaissent dans l’opéra français beaucoup plus tardivement qu’en Allemagne ou en Italie. Il faut ainsi attendre les années 1830, avec Giacomo Meyerbeer ou encore Adolphe Adam, pour pouvoir véritablement parler d’opéra romantique français. Celui-ci s’impose par la suite avec Georges Bizet, Léo Delibes, Charles Gounod ou encore Jules Massenet à la fin du XIXe siècle. La construction du drame, qu’il soit italien, allemand ou français, diffère peu et repose sur des thématiques identiques ; les valeurs et idéaux romantiques étant alors répandus dans toute l’Europe. Les manifestations de la tristesse et de la douleur varient cependant d’un pays à l’autre, plus particulièrement du point de vue de l’incarnation de ces sentiments. Le drame est lui-même souvent incarné par le biais d’un personnage ou d’un couple. Les larmes, chez certains protagonistes féminins, sont pour l’auteur non seulement, une question esthétique, mais aussi un outil ou un attribut caractéristique du rôle. Avec la vogue des voix féminines graves provoquée par le succès de grandes chanteuses lyriques, notamment par Maria Malibran, Pauline Viardot ou encore Giuditta Pasta, les rôles clefs des opéras sont confiés à des mezzo-sopranos. La noirceur, la puissance et l’amplitude de ces voix ont incité les librettistes et les compositeurs à créer des personnages torturés et pathétiques. Ce type de voix est alors assimilé au tragique ou plus rarement, comme au XVIIIe siècle, à de jeunes hommes.

Les rôles masculins dans l’opéra français du XIXe siècle semblent moins sujets aux larmes. Bien au contraire, même s’ils souffrent des affres de la passion à l’égal des femmes, ils ne le manifestent pas de la même façon. L’homme romantique se doit en effet d’être sensible, mais il a dans l’obligation de savoir contrôler ses émotions, car il est avant tout un chef de famille qui ne doit en aucun cas faillir devant les difficultés. Le jeune homme, non marié, peut néanmoins apparaître mélancolique en raison de tourments amoureux. Ce genre de personnage est alors généralement interprété par un ténor et ses airs sont bien souvent beaucoup plus méditatifs, voire plaintifs, que larmoyants. Rares sont les airs de ténors aussi emportés et tragiques que ceux des héroïnes dans l’opéra romantique français. Le jeune premier est ainsi présenté comme un rêveur et un poète. Il ne peut, comme une femme se laisser aller à la folie ou au désespoir et encore moins aux pleurs en public. Ainsi le personnage éponyme de Werther de Jules Massenet semble-t-il affronter l’adversité et sa mort dans la sérénité. Au moment de trépasser, il refuse les larmes de son amante Charlotte, mais souhaite tout de même qu’une pure larme en son ombre tombée vienne bénir sa tombe. Ainsi, tandis qu’une femme pleure face au malheur, l’homme accepte-t-il son destin et choisit la mort plutôt que les larmes, qui pourraient nuire à leur virilité. Au cours de la seconde moitié du XIXe siècle, beaucoup se [sont] fatigu[és] des sanglots romantiques, plus particulièrement en littérature. Cette lassitude ne semble pas avoir atteint les librettistes des opéras français, qui, bien au contraire, utilisent de façon régulière, voire systématique, le phénomène lacrymal dans le but d’émouvoir le public. La situation dramatique résulte également du vocabulaire employé. Les mots aident à construire une situation que la musique ne peut exprimer de façon claire ; cette expression artistique reposant essentiellement sur des affects subjectifs. Les champs lexicaux de la mélancolie et de la tristesse sont ainsi omniprésents, de même que ceux de l’obscurité et de la mort qui sont bien souvent indissociables. La démesure des sentiments et l’emphase des situations font également partie intégrante de la construction du drame. L’utilisation d’oxymores, mais aussi de contrastes et de clairs-obscurs, deviennent la marque d’une œuvre romantique. Enfin le jeu théâtral des chanteurs contribue à renforcer la situation dramatique de l’œuvre. En effet avec le romantisme, les acteurs peuvent jouer de façon affectée une scène. Les larmes se doivent alors d’être sonores et abondantes afin de répondre aux aspirations esthétiques du mouvement artistique. Tout comme les champs lexicaux employés, les attitudes sont excessives. Bien que le vérisme et le romantisme se rejettent mutuellement, le nouveau style littéraire de la fin du siècle ne s’oppose pas aux procédés esthétiques développés par l’opéra romantique. Les préceptes de ce dernier courant demeurent dominants. Le vérisme impose cependant une plus grande vraisemblance au niveau des livrets, mais aussi des mises en scène et du jeu théâtral.

[...]

Bénédicte PERCHERON

  • Date de parution : juin 2010
  • Dimensions : 22,4 cm x 14 cm
  • ISBN-13 : 978-2-913764-44-6
  • Nombre de pages : 260
  • Poids : 380g
  • Reliure : Broché

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