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Expressionnisme(s) et avant-gardes


978-2-913764-35-4

28,00 €
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Expressionnisme(s) et avant-gardes

Études réunies et présentées par Isabelle Krzywkowski et Cécile Millot

Ouvrage collectif, Marjorie Berthomier, Ferenc Csaplár, Antonio Domínguez-Leiva, Axel Gellhaus, Maurice Godé, Sébastien Hubier, Isabelle Kryzwkowski, Jean-Claude Lanne, Evgenios D. Matthiopoulos, Barbara Meazzi, Jean-Pierre Morel, Miguel A. Olmos, Hubert Roland, Marthe Segrestin, Nicolas Surlapierre, Frédérique Toudoire-Surlapierre

Expressionnisme(s) et avant-gardes obéit à une volonté de nuancer la perception que le lecteur peut avoir d'une époque de création souvent caricaturée. Les études remettent en question les analyses établies dans les années 1970, et proposent une délimitation inédite du mouvement : temporelle, mais également géographique, pour cerner la nature de l'expressionnisme, entre rupture et Histoire, avant-garde et modernité, mouvement et « découverte d'un universel ».

Quatrième de couverture

L’expressionnisme est un mouvement que l’on a souvent voulu considérer comme « germanique » ou, posant Munch et Ensor à ses origines, comme caractéristique des pays du nord. Mais cette délimitation est périodiquement remise en cause, et ce volume, en offrant une lecture croisée des interactions qui unissent les arts européens, se propose d’en montrer les interférences et les nuances.

Au-delà des protestations de fraternité et des anathèmes, l’étude de la réception mutuelle des avant gardes européennes s’inscrit dans le cadre des recherches récentes sur les notions d’avant-garde, de modernité et de post-modernité. Entre abstraction et engagement, entre rupture et histoire, l’expressionnisme apparaît comme l’espace privilégié pour préciser les questionnements et l’évolution complexes des arts du XIXe au XXe siècles.

 

Ce volume réunit les contributions de Marjorie Berthomier, Ferenc Csaplár, Antonio Domínguez-Leiva, Axel Gellhaus, Maurice Godé, Sébastien Hubier, Isabelle Krzywkowski, Jean-Claude Lanne, Evguenios D. Matthiopoulos, Barbara Meazzi, Jean-Pierre Morel, Miguel A. Olmos, Hubert Roland, Marthe Segrestin, Nicolas Surlapierre, Frédérique Toudoire-Surlapierre.

Isabelle KRZYWKOWSKI et Cécile MILLOT – Introduction

Expressionisme et expression

Axel GELLHAUS – Après le silence. Crise du langage et langage du corps dans la littérature expressionniste

Marjorie BERTHOMIER – Busoni, Schoenberg, Döblin, Kandinsky : les avant-gardes et la question de l’expression musicale

Expressionnisme endogène, expressionnisme exogène

Barbara MEAZZI – Les Souterrains du futurisme et de l’expressionnisme

Jean-Claude LANNE – L’Expressionnisme russe en question

Frédérique TOUDOIRE-SURLAPIERRE – Expressionnisme nordique et avant-gardes européennes : un combat fratricide

Ferenc  CSAPLÁR – « Le Chant des bûchers ». À propos de la première vague de l’expressionnisme hongrois

Hubert ROLAND – La Belgique littéraire et l’expressionnisme : élément constituant ou agent de transformation ?

Evgenios D. MATTHIOPOULOS – La Réception de l’expressionnisme en Grèce dans les trois premières décennies du XXe siècle

L’expressionnisme et les genres

Antonio DOMÍNGUEZ-LEIVA – Limites et problèmes de l’expressionnisme hispanique : les nouvelles de Roberto Arlt

Marthe SEGRESTIN – La France et l’expressionnisme dramatique

Isabelle KRZYWKOWSKI – Les Avant-gardes poétiques : échanges et réception entre la France et l’Allemagne

Expressionnisme et avant-garde

Maurice GODÉ – Un malentendu fécond : la réception du futurisme  en Allemagne

Miguel A. OLMOSEspacio, Tiempo : Juan Ramón Jiménez et les poétiques d’avant-garde

Nicolas SURLAPIERRE – « Le Ventre rouge ». L’expressionnisme face aux reconstructions. 1918-1933

Sébastien HUBIER – Les Expressionnismes, entre modernité et avant-garde

Jean-Pierre MOREL – La Notion de montage dans le débat sur l’expressionnisme allemand en 1938

BIBLIOGRAPHIE

INDEX

NOTICES BIO-BIBLIOGRAPHIQUES

Sébastien HUBIER

Les Expressionnismes, entre modernité et avant-garde

L’avant-garde conçoit la modernité comme culte de la nouveauté, volonté de participer au progrès et à l’expansion résultant de la révolution industrielle, acharnement à manifester le contact avec l’histoire immédiate, la micro-histoire personnelle et la macro-histoire collective unanime, désir d’engendrer une littérature ouverte au monde, capable de consigner la réalité changeante dans toute son étendue.

Très tôt, la question s’est posée avec insistance : qu’est-ce que l’expressionnisme ? Et, selon la logique des manifestes, les réponses se sont multipliées. Pour René Schickele, en 1912, dans Die Aktion, l’expressionnisme est un « scepticisme sanguin », pour Yvan Goll, en 1914, il « est dans l’air du temps » et « c’est une coloration de l’âme qui [...] n’avait pas encore été analysée chimiquement ». Selon le même Yvan Goll, en 1921, « l’expressionnisme est beaucoup plus qu’une secte littéraire », « c’est la littérature de la guerre et de la révolution, de l’intellectuel en lutte avec le monde des puissants, le soulèvement de la conscience contre l’obéissance aveugle, le cri du cœur contre le tonnerre du massacre et le silence des opprimés ». Quant à Gottfried Benn, il allait jusqu’à se demander si l’expressionnisme avait même existé. Doute corroboré par l’analyse d’Henri Meschonnic qui, après Ulrich Weisstein, note que le fossé est immense qui sépare Georg Trakl et Else Lasker-Schüler d’August Stramm et Johannes Becher, tant pour ce qui est du style que des thèmes. C’est la raison pour laquelle je ne m’intéresserai pas ici à l’expressionnisme, mais aux expressionnismes. En effet, même si la lecture des nombreuses anthologies de l’époque, du Condor (1912) ou du Jugement dernier (1916) au Crépuscule de l’humanité (1920), au Commencement (1920) ou à la Proclamation (1921), fait apparaître un certain nombre d’invariants tels que le messianisme, l’excès sentimental, la fascination pour la nature, le vertige et le cri, le goût pour la rhétorique, pour l’abstraction, ou la foi en une possible rédemption, l’expressionnisme n’est pas un mouvement unifié, mais bien plutôt un phénomène à la fois dynamique et polymorphe.

Géographiquement, d’une part, des différences cruciales séparent les différents courants : ainsi, l’expressionnisme rhénan n’est pas celui de l’Allemagne du Nord, et les rapports des expressionnismes au mouvement dada par exemple sont profondément dissemblables à Berlin et à Cologne. Historiquement, d’autre part, la rupture que représente le conflit mondial ne doit en aucun cas être négligée. « La protestation lyrique et pathétique » des expressionnistes allemands — et Andrzej Wirth a bien noté que « l’expressionnisme fut un phénomène international lié à une conjoncture spécifiquement allemande » — « s’est brisée contre la mitraille et la boue des tranchées » et n’a guère survécu à la déchéance de l’Empire et au naufrage de la révolution spartakiste qui, selon les mots de Rosa Luxemburg, réclamait « la suppression à la fois du mode de production actuel, de l’exploitation et du pillage et du commerce qui n’est qu’une escroquerie », cherchant par là à « extirp[er] les racines de la haine chauvine et de l’asservissement des peuples ». Disons, schématiquement, que le premier expressionnisme se caractérise par son opposition constante aux valeurs de la bourgeoisie, par sa critique radicale de l’Allemagne de Guillaume II, par ses attaques répétées contre l’hypocrisie des mœurs. Lui succède, de 1914 à 1918, une génération dont le principal objectif est de vilipender la guerre, invariablement décrite comme une apocalypse. Enfin, dans un dernier sursaut, au tout début des années 1920 – et alors que de plus en plus d’écrivains cherchent à expérimenter de nouvelles possibilités expressives (il est vrai que, comme le notait Yvan Goll, « l’expressionniste préférerait pouvoir « “s’exprimer” sans mots »), l’expressionnisme s’attache à la représentation de la guerre civile et de la misère allemande engendrée par la fin de l’inflation et la réforme monétaire. Tandis que s’affermit l’engagement de nombreux auteurs en faveur d’un changement politique radical – communiste pour Johannes Becher ou national-socialiste pour Hanns Johnst – apparaît la « Nouvelle Objectivité ». Certes, celle-ci se manifeste à bien des égards comme un prolongement oblique de l’expressionnisme, ainsi que l’indique, par exemple, son goût pour les machines, les gratte-ciel ou les mégapoles qui n’est pas sans rappeler les poèmes de Georg Heym sur Berlin ou d’Ernst Stadler sur Cologne et sur Londres. Mais elle en est conjointement l’envers, et, comme le soulignait Gustav Friedrich Hartlaub, le directeur du musée de Mannheim qui organisa en 1928 une rétrospective des œuvres de Max Beckmann après avoir consacré, en 1925, une grande exposition à la « Nouvelle Objectivité », celle-ci est aussi une réaction contre l’abstraction et les prétentions théoriques et atomistes des expressionnismes. Ainsi que le notait, en 1927, Emil Utitz, l’ami de Kafka, la « Nouvelle Objectivité » peut même être comprise comme une marque de la volonté d’en finir avec l’esthétique expressionniste que beaucoup d’auteurs et d’intellectuels considéraient désormais comme tombée en déliquescence. Il est vrai que la mort de l’expressionnisme, proclamée en 1921 par Yvan Goll et Paul Hatvani, avait déjà été annoncée, l’année précédente, plus discrètement, par Rudolf Kayser. Ce dernier s’essayait à l’autopsie du mouvement et brûlait de déterminer les causes de ce décès prématuré. Au premier rang de celles-ci : le fait que l’expressionnisme avait tenté d’en finir avec l’humanisme et avait cherché à concevoir une humanité abstraite. Cette erreur – que Brecht dénonce en décembre de la même année à propos de Die Wandlung [La Transformation] d’Ernst Toller dans laquelle il voit non seulement des « visions plates », mais aussi et surtout « l’homme comme objet, comme proclamation, et non comme homme », « l’homme abstrait, l’humanité au singulier » – est selon lui directement responsable de la mort des expressionnismes, et il lui apparaît désormais plus que nécessaire de réhabiliter la personnalité et de faire à nouveau de l’individu une valeur cardinale de l’art. Cette défense de l’individualisme, ainsi que l’exécration des coteries et des clans, sont au cœur du départ qu’il faut effectuer entre modernité et avant-gardes ; c’est cette distinction à laquelle je vais m’attacher ici dans une perspective plus théorique qu’historique.

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  • Date de parution : octobre 2007
  • Dimensions : 22,4 cm x 14 cm
  • ISBN-13 : 978-2-913764-35-4
  • Nombre de pages : 362
  • Poids : 480g
  • Reliure : Broché

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